Interview IA
« La machine ne remplacera pas l’homme » : conférence sur les dangers et promesses de l’intelligence artificielle avec le spécialiste Alexei Grinbaum
Spécialiste de l’information quantique, ce chercheur philosophe interviendra le 27 novembre, aux côtés d’Alexandra Bensamoun, membre de la commission interministérielle sur l’intelligence artificielle, et de Philippe Roblin, Grand Maître adjoint du Grand Orient de France, à l’occasion d’une conférence-débat sur le thème : « L’Intelligence artificielle au défi de l’éthique ».
Recueillis par Frédérique Braconnot - Hier à 11:51 - Temps de lecture : 3 min
Alexei Grinbaum : « La machine ne sait pas ce qui est beau, et ce qui ne l’est pas. Elle ne sait pas ce qui est vrai, et ce qui ne l’est pas ». Photo Gleb Kalinin
Directeur de recherche au CEA-Saclay, président du Comité opérationnel d‘éthique du numérique du CEA ; spécialiste de la théorie de l’information quantique, et membre du Comité national pilote d‘éthique du numérique (CNPEN), Alexei Grinbaum est l’invité du Forum Nancy République, association regroupant les loges de Meurthe-et-Moselle du Grand Orient de France, à l’occasion d’une conférence-débat, organisée sur le thème de : « L’Intelligence artificielle au défi de l’éthique ». Il interviendra aux côtés d’Alexandra Bensamoun, professeure de droit privé et de sciences criminelles, membre de la commission interministérielle sur l’intelligence artificielle, et de Philippe Roblin, Grand Maître adjoint de l’obédience.
Comment et quand est née l’intelligence artificielle ?
« Les débuts de l’intelligence artificielle datent des années 50. La fascination pour cette technologie s’est prolongée jusque dans le courant des années 60. Après une période d’accalmie d’une vingtaine d’années environ, elle a fait l’objet d’un véritable regain d’intérêt à la fin des années 2000. Mais la véritable révolution a lieu en 2017 avec la naissance de l’intelligence artificielle générative, capable de créer des contenus comme des textes, des images, des vidéos, de la musique… »
L’intelligence artificielle fascine autant qu’elle effraie. Y a-t-il des raisons objectives d’en avoir peur ?
« La nouveauté fait toujours peur. L’histoire des techniques le prouve. Mais cette appréhension se dissipe un peu. On sait aujourd’hui que la machine ne remplacera pas l’homme, même si certains métiers vont évoluer, ou ont déjà évolué. Les artistes, les designers, par exemple, travaillent différemment. D’autres secteurs sont également impactés. »
Quelles différences y a-t-il entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine ?
« Contrairement à l’être humain, la machine ne sait pas ce qui est beau, et ce qui ne l’est pas. Elle ne sait pas ce qui est vrai, et ce qui ne l’est pas. Elle ne fait qu’imiter. La faculté de discernement reste une faculté exclusivement humaine. Certes, l’intelligence artificielle est capable de réaliser des choses que le cerveau humain ne peut pas faire ; des coups aux échecs prodigieux par exemple, ou au jeu de go. Mais il s’agit uniquement de calculs binaires. Il serait faux d’établir une comparaison entre l’homme et la machine. C’est de la pure fiction. »
Des dérives existent pourtant…
« Oui. J’ai suffisamment de contact avec des enseignants pour m’en rendre compte. Ils se sentent d’ailleurs assez dépourvus. Mais là encore, un texte généré par l’intelligence artificielle est assez vite repéré, parce qu’il manque de profondeur, d’états d’âme, d’implication personnelle. Nous projetons du sens au texte. Pas la machine. Cela dit il y a un énorme de travail de formation à entreprendre. D’où mes conférences. D’où mes livres. Dans quelques années, l’IA sera intégrée dans tous les smartphones. Il faut apprendre à parler aux machines, à les utiliser mieux et de manière intelligente. Le défi est colossal. Car le grand impact est à venir, et il touchera de plein fouet le système éducatif. La question est en effet de savoir comment les enfants vont éduquer leur cerveau, en interaction avec un cerveau artificiel. »
Mercredi 27 novembre. À partir de 19 h 30. Grands salons de l’hôtel de ville de Nancy